Le dualisme financier, un grand obstacle à l'économie haïtienne, selon le professeur Camille Chalmers

Écrit par: Oberde Charles, Le National, Haïti, publié le 13 mai 2023 

Dans un climat marqué par une forte dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain, le professeur Camille Chalmers soutient que le dualisme financier présent dans l'économie haïtienne est l'une des causes qui seraient à la base de cette instabilité économique du marché. De fait, celui-ci implique l'impuissance de la Banque centrale à prendre un strict contrôle de la gourde et limiter la spéculation qui est un mal endémique pour les transactions financières et la production locale, soulève-t-il! 

« Haïti est l'un des rares pays de la région qui pratiquent le dualisme financier dans son économie, sans aucune restriction. Néanmoins, la Banque de la République d'Haïti (BRH), communément appelé Banque centrale, est devenue impuissante pour un strict contrôle de la politique et de la masse monétaire. Dès lors, on assiste à une situation de violence imposée par les néo-colonialistes où des gens vivant sur le territoire possèdent des comptes bancaires en dollar, des entreprises procèdent à la surfacturation en gourdes, mais également en dollar américain, qui sont des actes totalement anormaux vers une bonne gestion de la politique monétaire du pays », a déclaré l'économiste Camille Chalmers. 

Le professeur Chalmers soutient qu'en conséquence nous avons une économie « financiarisée », puisqu'une bonne partie du rendement des banques commerciales et de plein d'autres institutions se base sur la spéculation. « On n'a pas une économie où les investissements sont dirigés vers la production agricole, pour encourager ni la culture, ni la consommation et la transformation. Rien de ce que prône notre élite économique n'est productif, tout est spéculatif. Une bonne partie des richesses produites par la population est spéculée pour s'introduire au niveau des banques étrangères », admet-il. Gagner de l'argent à partir du taux de change, voilà ce qui traduit le niveau exagéré du taux d'accumulation et de la spéculation du marché. La banque centrale est complice face à la détérioration de cette situation où des opérateurs mettent une emprise sur les diverses transactions du marché. « Plus de 3 milliards de dollars à partir des transferts d'argent chaque année, mais aucune bonne gestion n'a été faite pour un contrôle rationnel pouvant faciliter la croissance économique du pays », ajoute-t-il. 

Par contre, face à l'indisponibilité du billet vert où les banques commerciales sont contraintes de réduire les transactions des clients, M. Chalmers soutient que tout cela exprime la violence économique provoquée par une frange d'opérateurs de la classe économique qui a pour mission d'appauvrir la population et qui conduit beaucoup plus de personnes à l'insécurité alimentaire et à la misère. En effet, l'économiste indique que face aux problèmes financiers du pays où il y a également l'indisponibilité de la gourde au niveau de certaines entreprises, c'est la violence politique qui est à la base de cette violence économique. Donc, il lance un appel à une nouvelle donne économique à partir d'un pouvoir politique consacré aux services et aux besoins de la population, garantissant un accès aux crédits à toutes les catégories sociales, dans un climat de paix et de stabilité.