Les Droits de l’Homme, un si bon business

Par Guy Mettan, Haïti Liberté, édition du 12 au 18 juillet 2023 

Les mauvais comptes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a plus que doublé son chiffre d’affaires en dix ans (à près de trois milliards de francs) pour se retrouver plongé dans un déficit de plusieurs centaines de millions de francs au début de cette année, aura au moins eu l’avantage de montrer que l’humanitaire pouvait être un très bon business. Pour les cadres dirigeants en tout cas. On a ainsi appris que le salaire du président atteignait 437 mille francs par an (sans les frais) et celui du directeur plus de 300 mille. L’Etat de Genève, d’habitude sourcilleux quand il s’agit de la gestion des petites associations, vient de repasser le couvert pour 39 millions de francs sans se demander pourquoi le président du CICR gagnait autant alors que la loi cantonale sur les subventions limite pourtant les honoraires des dirigeants des organisations sans but lucratif. 

Mais si les géants de l’humanitaire, la Fondation Gates, WorldVision, Oxfam, Care International, MSF, CICR et autres brassent des milliards, ils ne sont pas les seuls à faire leur beurre dans le non-lucratif. Les organisations de défense des droits de l’Homme font aussi très fort. Certes les revenus y sont moins élevés. Mais celui des plus grandes, tels Amnesty et Human Rights Watch par exemple, se monte tout de même à 300 millions et à 85 millions. Plus surprenant, les salaires y sont encore plus élevés que dans l’humanitaire.Kenneth Roth, patron de HRW pendant 27 ans, gagnait ainsi plus 620 000 dollars au moment de son départ l’an dernier. Et Irene Khan, la patronne d’Amnesty, a été récompensée par une gratification de 533 000 livres lorsqu’elle a quitté son organisation de bien-faisance avant de se refaire une santé comme rapporteure spéciale de l’ONU pour la liberté d’ex-pression. A ce prix, on peut espérer que les victimes des « autocraties » que ces organisations sont censées secourir sont bien défendues. 

Mais est-ce bien sûr? Dans un livre qui vient de sortir aux Etats-Unis (The Human Rights Industry, Clarity Press), l’expert genevois Alfred de Zayas décortique, analyse et met en évidence les compor-tements et, trop souvent, les partis pris et les biais dont ces organisations font preuve en dépit de leur impartialité et de leur indépendance proclamée. De la Cour pénale internationales (budget : 150 millions d’euros) entièrement financée par les pays occidentaux et les membres de l’OTAN, aux officines d’information financées par les services de renseignement et les ministres de la défense (tel le site Bellingcat très prisé par les grands médias européens) en passant par la myriade d’ONG et d’organismes plus ou moins officiels qui gravitent autour des Nations Unies, il brosse un tableau pour le moins contrasté de leurs activités. Nombre d’entre eux se trouvent compromis par leur trop grande proximité avec les bailleurs de fonds, qu’ils soient d’origine gouvernementale ou privée. C’est notamment le cas des plus actives telles que la Fondation Gates, Open Society de George Soros ou la Fondation Oak d’Alan M. Parker. 

Le risque d’instrumentalisation politique de la cause du Bien est partout présent. On ne compte plus le nombre de séminaires consacrés à la philanthropie, celle-ci étant devenue une activité très prisée depuis que les milliardaires ne savent plus que faire de leur argent. Appâtés par le gain, les potentiels bénéficiaires se pressent au portillon. La concurrence fait rage. C’est qui aura le plus gros budget marketing et « plaidoyer » (entendez lobbying) pour séduire les donateurs. On peut s’en féliciter. Ou regretter que trop souvent l’adage « charité bien ordonnée commence par soi-même » soit pris trop à coeur. 

Arrêt sur info - 06 juillet 2023