Un gouvernement qui crée des catastrophes aux fins d'empocher de l'aide internationale
Jose Clement, Haiti Liberté, le 23 avril 2013
Cela ressemble à du cynisme. En fait, c’est du cynisme! La déclaration de Richard Morse dans le journal canadien «Toronto Star» relative aux pratiques en cours au sein du régime Martelly/ Lamothe fait froid au dos et laisse perplexe les citoyens sur la volonté de l’équipe en place à mener à bien les destinées du pays. Et quand on lit entre les lignes, on se rend compte que le ré- gime « Tèt Kalé » est en train de transformer timidement, mais certainement, l’appareil d’Etat en un Etat prédateur.
Richard Morse, cousin du pré- sident haïtien, Michel Martelly qui prêtait ses services au Palais National à l’avènement de ce dernier au pouvoir le 14 mai 2011, a révélé au journaliste Catherine Porter le 15 avril dernier que «des travailleurs obstruaient des égouts avant la saison des pluies de manière à créer des inondations artificielles». Ces déclarations ont eu l’effet d’une bombe, notamment au Canada qui est l’un des principaux bailleurs de fonds d’Haïti. Au lieu de travailler à améliorer les conditions de vie de la population dont la majorité vit encore dans une misère abjecte, le gouvernement MartellyLamothe cherche plutôt à envenimer le problème des masses. C’est un vrai scandale !
Dans un pays aussi vulnérable ou les infrastructures routières, sanitaires et autres laissent à désirer, les inondations naturelles ont provoqué dans le passé des dégâts considérables tant sur le plan humain que matériel. A la moindre averse, Port-au-Prince se transforme en une vaste étendue d’eau. Les victimes sont toujours comptées par milliers. Voire provoquer des catastrophes aux conséquences incalculables, est encore pire. Il s’agit tout simplement d’un acte odieux et même criminel qui mérite d’être dénoncé avec véhémence par l’ensemble des secteurs de la société. Le gouvernement doit s’expliquer sur ces pratiques. La justice devrait se mettre en branle dans ce cas précis. Le Parlement aussi !
L’Etat ne peut pas travailler à son détriment propre. On se souvient que le Conseil National des Télécommunications (CONATEL), organe régulateur dans le domaine des télécommunications, avait intimé l’ordre à l’opérateur de téléphonie mobile NATCOM de ne pas revoir à la baisse la minute de communication pour ne pas porter préjudice à l’entreprise DIGICEL. L’Etat haïtien est actionnaire à environ 40% dans la nouvelle compagnie vietnamienne NATCOM, une dérivée de la TELECO, ancienne compagnie nationale de té- léphone. NATCOM n’avait pas droit à la concurrence en acceptant de baisser le prix de la minute de communication. Et l’Etat était contre ses intérêts propres au regard du communiqué d’alors du CONATEL sur la question.
Les autorités en place ont beaucoup plus d’intérêt dans la DIGICEL, compagnie qui offre ses services dans plusieurs pays de la Caraïbe et de l’Amérique Latine. D’ailleurs, le Chef du gouvernement haïtien est propriétaire d’une entreprise spécialisée dans la vente de minute internationale et dont le président Martelly fut un proche collaborateur.
On comprend pourquoi le Pré- sident Martelly et le Premier Ministre Lamothe persistent à voyager un peu partout dans le monde à la recherche, disent-ils, de mieux être pour le peuple haïtien, quand au même moment, une politique de destruction du peu d’infrastructures qui restent au pays est appliquée. La Communauté internationale n’est pas dupe. Elle ne saurait, dans une conjoncture aussi délicate où le Parlement haïtien instance de contrôle de l’Exécutif n’est pas fonctionnel, débloquer d’importants fonds en faveur du pays, le plus pauvre, autrement dit, le plus appauvri de l’Hémisphère.
Des responsables d’Etat veulent créer des catastrophes afin de subvenir aux besoins des milliers de victimes subséquentes. Ils veulent se faire voir sous les feux des caméras de télévision du monde entier en train de distribuer des kits alimentaires à des compatriotes désoeuvrés. C’est navrant de constater à quel point des responsables du pays utilisent des procédés macabres pour soutirer de l’argent des mains de l’international. On se rappelle, lors de la campagne électorale, le candidat Martelly devenu aujourd’hui président de la République avait promis de nettoyer les écuries d’Augias, assainir les finances de la République, améliorer les conditions des masses. Bref, rien ne sera plus comme avant, avait-il lancé.
Au contraire, révèle Richard Morse, band leader du groupe populaire RAM (1), la corruption gangrène tous les couloirs du pouvoir. J’ai vu de mes yeux des gens rémunérés à travers des chèques au Palais National pour un travail qu’ils n’ont pas fourni. Pis, ajoute-t-il, quand j’ai adressé la question aux plus hautes autorités, rien de tout cela n’a été fait. Il n’est un secret pour personne que la corruption est le point fort du gouvernement en place. Les fonds pétro caribe étaient une manne pour le gouvernement qui en fait à sa guise. Décidément, le Palais est devenu le haut lieu par excellence de la corruption.
Où était le Ministre des Finances de l’époque en ce qui a trait au dossier de faux chèques? Marie Carmelle Jean Marie qui gérait les finances de l’Etat a démissionné la semaine dernière pour «manque de solidarité de ses pairs dans les réformes enclenchées au sein des finances publiques». Elle avait omis de dire à la nation que le Palais National était devenu un bastion de sinécures.
Le parlement qui est une structure d’Etat de contrôle de l’Exécutif n’a, de fait, aucun moyen pour contrôler les dépenses de l’Etat. Le pouvoir en place, a préféré soudoyer des députés aux fins de créer une majorité parlementaire qui lui est totalement dévolue. Il casse ainsi l’élan de tous législateurs qui voudraient lui demander des comptes. La lutte contre la corruption ne saurait être un simple slogan. Dans l’indice de perception de la corruption, Transparency International avait classé Haïti 165 sur un total de 176 pays ou la corruption fait rage, dans son dernier rapport.
Comment dans une ambiance aussi délétère, le pays pourra bénéficier des investissements massifs de capitaux étrangers, quand les hommes d’affaires ne font pas confiance au pouvoir en place ! Et le représentant des NationsUnies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTHA) a eu à le dire en maintes fois qu’Haïti n’est pas un terrain propice aux affaires. Le poisson pourrit toujours par la tête. Bien que le Premier Ministre Laurent Lamothe reconnaisse tout de même que la corruption est un frein aux investissements, il n’a pas démenti les déclarations de Richard Morse qui a claqué la porte du Palais National à la fin de 2012.
Le Chef du gouvernement implicitement reconnait également que le Palais National regorge de corrupteurs et de corrompus. Qui sont les corrompus? La nation est en droit de le savoir. Cette dernière déclaration de celui qui a organisé la campagne de Martelly éclabousse non seulement le Palais National mais également la Primature. Même si la corruption est endémique en Haïti, il est du devoir de l’Etat de travailler de manière à l’éradiquer dans toutes ses composantes. Le Chef du Gouvernement est du lot. Il ne peut pas imputer la responsabilité à l’autre branche de l’Exécutif, à savoir le Palais National.
Dans sa communication avec le journal Toronto Star, M. Lamothe voulait garder un profil bas sans pourtant monter au créneau contre les accusations de Morse, fondateur du groupe racine «RAM» qui porte les initiales de son nom. Le bruit court dans toute la ville que M. Lamothe est candidat à la présidentielle de 2015. Il souhaite que M. Martelly soit éclaboussé et non lui-même comme le Premier des Ministres. En «super intelligent», il se positionne en homme incontournable à l’expiration du mandat de Martelly, juste pour continuer le processus de dilapidation du trésor public. Alors, desormais, il ne peut certainement plus se targuer d’être un « Mister clean ».